Par: Dorsimont 14-6-2013
Responsable du département réalisation de GRC chez Orange Business Services, Sylvain Derwel apporte son point de vue sur les enjeux du management et du travail à distance à l’ère du numérique.
Dans quels cas êtes-vous amené à manager à distance ?
Le travail à distance est une composante incontournable dans notre groupe, de par sa couverture géographique. Dans le cadre de mes projets, nous nous appuyons sur diverses entités du groupe qui sont implantées dans plusieurs villes de province. Sur les projets internationaux, nous avons également des équipes aux quatre coins du monde. Même avec mes équipes de Paris, le travail à distance est omniprésent par le télétravail.
Selon vous, quelles sont les raisons qui peuvent amener l’entreprise à organiser le travail à distance ?
Lorsqu’il s’agit de construire des équipes performantes, le travail à distance permet de s’affranchir des contraintes géographiques. Il offre également beaucoup plus de liberté dans l’organisation de son travail. Typiquement, le télétravail donne aux collaborateurs la possibilité de mieux concilier vie professionnelle et vie privée.
Gagne-t-on en efficacité dans ce cadre ?
Travailler à distance représente selon moi une source d’efficacité ainsi qu’un réel gain de temps et de coût en déplacement. Le manque de promiscuité peut, par contre, créer une distance entre les personnes. Un minimum de rapport humain sera donc toujours requis.
Paradoxalement, lorsqu’il s’agit de faire travailler une équipe pour produire des résultats sur des délais resserrés (brainstorming, war-room), la réunion physique devient nécessaire. Il est vrai qu’une réponse par mail peut prendre une demi-journée à arriver alors qu’en face-à-face, la réponse est instantanée.
Quels outils managériaux et technologiques est-il possible d’employer ?
J’utilise un certain nombre d’outils à disposition tels que : le call conférence, la vidéo conférence, mais aussi la télé-présence. Il s’agit d’une vidéo conférence très améliorée qui multiplie l’impression de réalité et améliore grandement la promiscuité, même virtuelle. Par ailleurs, chacun a accès à de nombreux outils de mobilité sur ses divers terminaux : messagerie, ressources réseau, communication unifiée, partage de documents, etc.
S’il existe des méthodes qu’il est nécessaire d’adapter lorsque l’on travaille à distance, pour autant, il est encore difficile aujourd’hui de les généraliser. Je pense qu’au fur et à mesure, nous allons voir émerger des bonnes pratiques pour travailler et manager dans ce sens.
Quels sont les aménagements nécessaires en termes de relations professionnelles et humaines ?
Lorsqu’un service met en place le travail à distance, il faut qu’il s’assure que la méthode de travail convienne à la fois à l’activité et aux personnes. Cela suppose également d’être en mesure de travailler avec des collaborateurs capables de fonctionner par objectifs avec des tableaux de bord, de l’avancement, des prises d’actions claires sans avoir besoin de rentrer dans le détail.
Mais il faut également accepter qu’il y ait un minimum de rencontres réelles. Selon les cultures, il y a différentes approches : chez les latins par exemple, le contact est primordial. C’est bien moins vrai chez les Anglos saxons, les Allemands voire les Asiatiques qui arrivent davantage à travailler à distance sans connaître la personne. Ces populations fonctionnent plus avec des objectifs, des actions, des avancements…
Pensez-vous que le travail à distance nécessite des aptitudes comportementales particulières de la part du manager et des salariés ?
Oui absolument. Un manager, doit être capable de décliner des objectifs précis. Le salarié doit pour sa part être capable de travailler par objectifs. Le travail à distance sous-entend moins de contrôle et donc plus d’autonomie. Quand apparaissent des difficultés, la distance peut devenir un frein dans la résolution des problèmes.
N’y a-t-il pas un risque de perte en fidélité des collaborateurs ?
Le travail à distance dépersonnalise les relations et génère une certaine froideur dans les rapports au travail, ce qui peut rendre les collaborateurs moins attachés à leur travail ou à l’entreprise. La composante humaine reste donc indispensable. En contrepartie, autoriser une certaine souplesse, une liberté d’organisation par le télétravail séduit et attire certains collaborateurs.
Croyez-vous que plus d’autonomie nécessite plus de consensus ?
Puisque le travail à distance engendre une capacité de contrôle beaucoup faible, si les deux personnes ne sont pas totalement en phase sur la méthode de travail et sur les objectifs, le travail ne peut bien fonctionner. Selon les individus, il va donc falloir augmenter le contrôle en renforçant par exemple le nombre de points de rencontres, la définition des objectifs. Plus il faut augmenter le contrôle, plus on tend vers une diminution du télétravail. La capacité de s’organiser et d’être autonome est propre à chacun. Il y a donc des collaborateurs pour lesquels je favorise l’utilisation du télétravail et d’autres moins. Certains ont besoin de proximité, de contacts, d’échanges.
Pour conclure, Orange est un des leaders des technologies mobiles, comment imaginez-vous l’avenir du travail mobile ?
Dès lors que la technologie le permet, nous avons de plus en plus de facilités pour accéder à nos outils de travail. Depuis n’importe où et avec n’importe quel terminal, nous exploitons toujours plus la capacité des technologies. Le temps de l’ordinateur fixe au bureau est révolu. Nous adaptons continuellement les outils pour travailler partout et à tout moment dans de meilleures conditions : chez un client, dans la rue ou chez soi. Mais il restera toujours une composante humaine dont il sera impossible de s’affranchir : le contact et la connaissance de l’autre sont primordiaux.