Par: Dorsimont 15-10-2013
Le Nouveau Travail est un courant qui fait de plus en plus d'adeptes à travers le monde, avec comme exemples Microsoft, Rabobank, la sécurité sociale belge et Telenor. Un hype, une tendance, un discours de gourou ? Selon l'expert Henny van Egmond, l'ennemi juré du management à l'ancienne, rien n'est moins vrai. Il s'agirait du seul moyen de survie en tant qu'entreprise. Et "pire" encore, cette culture est basée sur la confiance, la responsabilité individuelle et le dialogue. Pour en savoir plus, nous avons donc interrogé Henny van Egmond, expert reconnu dans le monde du Nouveau Travail. |
Souvent résumé comme du travail flexible, quelle est la définition du Nouveau Travail ?
Il n'y pas une seule et unique définition du Nouveau Travail. Par exemple, Bill Gates avait plutôt une vision technique. En 2005 il disait " Les décennies à venir seront marquées par la rapidité du changement et l'intégration mondiale. Chaque entreprise devrait focaliser sa stratégie sur la question "comment permettre aux gens de travailler plus efficacement grâce au Nouveau Travail en s'appuyant sur le digital". Ma propre définition serait "faire des choses ayant du sens au travail et avoir en tant qu'être humain et collaborateur, l'espace et le fonctionnement approprié pour y arriver."
La France n'est pas en avance dans ce domaine. Cela serait une bonne nouvelle s'il s'agissait d'une tendance passagère.
Il ne s'agit absolument pas d'un hype. Au contraire, je pense qu'on ne se rend même pas encore compte de tout ce qui se passe réellement. Comme au début de la Révolution Industrielle, nous nous trouvons seulement aux prémices d'un bouleversement du monde de l'entreprise et, en conséquence, de l'organisation du travail. Il faut faire face à certains changements radicaux qu'on observe dans la société.
Dans le temps, il fallait de grandes entreprises à cause des moyens de production couteux. Aujourd'hui, ces entreprises sont challengées par des alternatives sérieuses. Citons les villages qui produisent leur énergie sous forme de coopératives et la vendent eux-mêmes. Ou encore, les particuliers qui s'associent pour créer des fonds d'assurances. Autre exemple, les potagers citadins qui se créent entre voisins pour cultiver près de chez soi. La tendance est de faire soi-même ou ensemble, avec une réelle volonté de contrôler sa propre vie et d'être indépendant. La société a besoin de plus de responsabilités individuelles et de liberté pour faire ses propres choix et on peut en observer les conséquences dans le travail.
De quelle façon le Nouveau Travail est-il une suite logique à ces changements ?
Les piliers du Nouveau Travail sont : le moins de règles possible, donner du sens, la liberté, la confiance et la responsabilité individuelle.
L'Américain Dan Rasmus, le stratège qui a mis en place le Nouveau Travail chez Microsoft, a prédit une lutte de plusieurs décennies entre la classe établie d'aujourd'hui et les nouvelles générations qui arrivent. La mise en œuvre d'une nouvelle façon de travailler est inévitable. Le Nouveau Travail est une expression d'une volonté des gens d'échapper aux règles qui existent en entreprises.
Dans une culture ou la méfiance est très présente, le Nouveau Travail est-il possible ?
Il faut se poser une question simple : comment est-ce possible de construire sur la méfiance ? Mais aussi, avons-nous envie de construire sur la méfiance. Si en tant que managers vous pensez ne pas pouvoir faire confiance à vos collaborateurs, cela pose un vrai problème. Pour pouvoir mettre en œuvre le Nouveau Travail il faut avoir un regard optimiste sur les gens.
Ensuite, tous vos investissements afin de manager, contrôler, c'est de l'argent perdu. Emmanuel Gobilot donne souvent l'exemple suivant : en Angleterre on a remplacé les kiosques par des boites où l'on peut se servir soi-même en journaux en payant 0,70 £. Que s'est-il passé ? Non seulement les gens payaient mais ils payaient plus, laisser 1£ était tellement plus simple que de faire l'appoint.
Comment y arriver ?
Adopter le Nouveau Travail dans une culture de méfiance est à déconseiller. Mais on peut la faire évoluer en commençant par des choses simples. Réduire le nombre de règles. Chaque règle en moins apporte plus de confiance. Commencez un dialogue en one-to-one : que faisons-nous, quel est ton rôle, quel est le mien et de quels règles et accords avons-nous besoin pour travailler.
On a longtemps parlé du télétravail, et cela s’est accéléré avec le revirement de stratégie chez Yahoo.
Yahoo c'est une histoire à part. Il a été prouvé qu'on travaille plus chez soi qu'au travail. Tout montre qu'en ayant des accords clairs, de la confiance et de la responsabilité, les collaborateurs gèrent leur temps avec honnêteté.
Marissa Mayer la PDG de Yahoo vient de Google. Google est une des sociétés les plus innovantes dans le monde et qui a mis en place des lieux de travail afin que ses collaborateurs restent le plus longtemps possible au travail. Parce que l'innovation ou des sujets complexes peuvent être mieux abordés en présence "physique" de personnes traitant les mêmes enjeux. Dans ces cas-là, le bureau joue en effet un rôle très important. Mayer essaie ainsi de stimuler l'innovation chez Yahoo.
Quels sont les challenges coté Ressources Humaines ?
Pour faire face à la guerre des Talents, il nous faut des leaders pas des managers. Quand il y a le feu, on voit toujours que certains se profilent comme leaders en agissant et ce ne sont pas forcément les managers.
Des leaders qui veulent servir au lieu de gérer. Des leaders qui auront 4 missions principales :
- identifier et faire connaitre la raison d'être de l'organisation : donner un but avec du sens,
- clarifier les valeurs et les faire vivre,
- créer le dialogue ainsi que des réseaux,
- organiser sur une base de confiance et la définition de résultats clairement convenus.
Comment attirer ces profils ? Que cherche la nouvelle génération ?
Jusqu'à maintenant on se demandait : « que me rapporte mon investissement auprès de mon employeur » en parlant d'avantages concrets. Mais la nouvelle génération se pose la question : « pourquoi je fais ce que je fais ? »
C'est ce qu'on appelle la question Why (selon Simon Sinek). Pourquoi je suis dans les finances ? Est-ce pour gagner de l'argent ou pour aider mes clients à financer l'achat d'une nouvelle maison et ainsi améliorer leur vie ?
Les entreprises qui gagneront la guerre des Talents seront celles qui sauront répondre à cette question Why. Je pense qu'on est plus heureux si on se sent connecté à une entreprise avec des ambitions semblables aux nôtres.
Un message à faire passer aux entreprises françaises qui s'intéressent à ce sujet ?
Un message très positif : il y a tout un monde à gagner. Ne plus contrôler mais travailler réellement ensemble pour réaliser de belles choses pour l'entreprise. Etre plus productif. A nouveau, se faire apprécier et respecter comme entreprise. Ne pas s'inquiéter mais parler ambition.
Pour y arriver, vous pouvez bien évidemment me contacter, mais pourquoi ne pas commencer par en parler au sein de votre organisation ?
Henny van Egmond est un expert reconnu dans le monde du Nouveau Travail. Avec son agence de conseil en stratégie nommé YOLK, il accompagne ses clients dans des process de changements complexes et de mise en place de la culture du Nouveau Travail. Intervenant et animateur de workshops à travers l'Europe, il présidera le congrès national du Nouveau Travail aux Pays-Bas le 19 novembre 2013.
Interview réalisée par Renée Koudstaal
Notre avis : Ce "Nouveau travail" peut passer par de nouvelles méthodes de management impliquées par la volonté de mettre en place le télétravail dans les entreprises par exemple. Il paraît également important d'y réfléchir vite pour répondre aux attentes des "nouveaux salariés" que sont ceux de la génération Y. L'autonomie et la responsabilisation sont deux valeurs que nos clients nous demandent d'identifier chez les candidats mais qui sont malheureusement parfois bridées une fois la personne en poste. |