A l’instar de la journée flexibilité @ work organisée le 28 février dernier invitant les 1500 collaborateurs de chez Microsoft à travailler depuis leur domicile, l’entreprise est engagée dans les nouvelles formes de travail. Entretien sur les enjeux du management à distance avec Nicolas Moreau, Senior Program Manager chez Microsoft Engineering Center.
Dans quels cas êtes-vous amené à manager à distance ?
Dans mon précédent poste d’Engagement Manager au sein de la division service de Microsoft, j’ai été amené à gérer des consultants Microsoft travaillant sur des projets dans les locaux des clients, sans être au quotidien à leur côté. Dans ce type de situation, je définissais aux consultants mes attentes en termes de remontée d’information (fréquence, niveau de détail), ceci afin de détecter des difficultés, apporter les conseils, ou prendre des actions. Dans ma nouvelle fonction au sein d’une équipe de développement produit, il s’agit plutôt de travail à distance avec des collaborateurs basés à l’étranger.
Selon vous, quelles peuvent être les raisons qui amènent l’entreprise à organiser le travail à distance ?
Il peut s’agir d’une raison historique, comme le rachat d’une société. Ainsi par exemple, lors du rachat de Skype par Microsoft, la plupart des équipes ont été maintenues sur place. Le savoir-faire étant dans certains cas difficilement délocalisable, il n’était donc pas question de rapatrier la totalité des personnes aux Etats-Unis. Autre exemple, lorsque l’on gère plusieurs projets en parallèle, il est impossible d’être sur tous les fronts. Il faut donc gérer à distance un certains nombre de paramètres, dont l’humain. Enfin, travailler à distance permet de minimiser des temps de transport en ne perdant pas de temps à repasser par le bureau pour se rendre à un rendez-vous.
Gagne-t-on en efficacité dans ce cadre ?
Certaines tâches nécessitent véritablement de la concentration. A domicile, il est possible de débrancher son téléphone, de se couper de sa boîte mail. Au bureau, les sollicitations extérieures ne manquent pas. De plus, avec les technologies modernes, il est parfois difficile de travailler quatre heures de suite concentrés sur un même projet : s’isoler à son domicile est un bon moyen d’y parvenir et de rester focalisé. Il faut plus voir le travail à distance comme un moyen complémentaire : il ne remplacera jamais la densité des interactivités humaines que l’on peut avoir sur un travail en plateau en équipe.
Quels outils managériaux et technologiques employez-vous ?
Chez Microsoft, nous sommes équipés de moyens qui nous permettent, où que nous soyons, de disposer du même environnement de travail qu’au bureau et de pouvoir accéder à toutes les ressources de l’entreprise. Depuis chez moi, j’ai ainsi accès à des ressources techniques comme des versions avancées de phase de développement de certains produits avec un niveau de sécurité assuré. De plus, l’utilisation par Microsoft de ses propres outils intégrés dans la suite Office (Lync), a également permis qu’une culture du travail à distance soit partie prenante de l’entreprise. Ces outils ont permis à une culture de management à distance de se développer et de se mettre en place naturellement.
Quels sont les aménagements nécessaires en termes de relations professionnelles et humaines ?
Lorsque l’on manage à distance, la qualité du canal de communication avec ses collaborateurs doit être encore plus renforcée. Chez Microsoft, il existe une technique de communication qui s’appelle PQA : precise questionning and answer. Plutôt que de partir dans un long dialogue, les règles du jeu suivantes sont établies : poser des questions précises qui amènent à des réponses précises. Ainsi en quelques minutes, un dialogue très riche peut s’installer, et ainsi aller au cœur du problème à résoudre.
Pensez-vous que le travail à distance nécessite des aptitudes comportementales particulières de la part du manager et des salariés ?
La bonne aptitude comportementale de la part du salarié, c’est être à la fois responsable mais aussi loyal. Car avec le travail à distance, le contrôle est plus difficile. Il requiert avant tout de la discipline. Cette forme de travail n’est en tous cas pas réservée aux « bons communicants ». Par expérience et pour qu’il fonctionne, il faut que le ciment ait été posé au préalable. Pour des sociétés qui ont les moyens de le faire, travailler avec l’équipe en amont, créer du liant… c’est la pierre angulaire pour le bon déroulement du projet. On me recommande ainsi de voyager aux Etats-Unis tous les deux ou trois mois pour mieux connaître mes partenaires, et ainsi améliorer la qualité de nos interactions.
N’y a-t-il pas un risque de perte en fidélité des collaborateurs ?
Il faut distinguer ceux qui travaillent depuis chez eux en permanence et ceux qui ont recours partiellement au télétravail. Dans ce cas, le télétravail est au contraire un moyen de fidélisation. Personnellement, j’apprécie de pouvoir travailler chez moi. C’est une journée plus reposante et moins stressante, qui me permet de travailler plus en profondeur.
Pour conclure, Microsoft est le leader incontesté des applications bureautiques. Comment imaginez-vous l’avenir du télétravail ?
Les entreprises seront de plus en plus amenées à y recourir ou tout du moins apporteront une certaine souplesse dans leur discours. Nous sommes en France moins avancés sur ce sujet que dans le monde anglo saxon chez qui le management à distance n’est pas problématique. Vis à vis des jeunes, c’est aussi un critère d’attractivité : pouvoir s’organiser, travailler à distance, mieux gérer des contraintes personnelles.