A l’heure où recruter des profils qualifiés devient un vrai défi pour les entreprises, les recrutements se font le plus souvent sous contrainte de temps et de moyen. Les candidats ne sont que rarement au centre du processus de recrutement ; l’expérience candidat fait défaut. Laurent Brouat, consultant en stratégie de recrutement innovant et co-organisateur de l’évènement #rmsconf 2013 apporte son éclairage sur la réalité concrète de l’expérience candidat. |
L'expérience candidat était au cœur de #rmsconf 2013. Quels sont les grands enjeux en la matière ?
Le concept d’expérience candidat est à un tournant aujourd’hui. Tout le monde en parle mais peu le font. Pourquoi ?
D’abord, l’expérience candidat est un concept fourre-tout dans lequel les entreprises ont du mal à mettre une réalité concrète ! Qu’est ce que cela veut dire concrètement « l’expérience candidat » ?
En absence de vraie volonté à donner une réalité tangible, peu d’entreprises s’en préoccupent vraiment.
L’expérience candidat est un concept, presqu’une valeur et un état d’esprit qui doit infuser toute l’entreprise. Du site internet et de la petite annonce puis à l’entretien et l’accueil dans les bureaux de l’entreprise jusqu’au premier jour d’intégration.
Par exemple, une petite annonce de qualité ou un site carrière où les candidats trouvent facilement l’information sont autant d’éléments qui rentrent dans l’expérience candidat.
Mais que c’est dur à mesurer et donc à mettre en place !!!
Car créer seulement une page carrières optimale ne suffit pas à « faire » de l’expérience candidat, tout le processus du recrutement doit être impacté ! Et c’est ça le plus compliqué car il faut impliquer tous les acteurs parties prenantes.
L’expérience candidat est un vrai changement de mentalité au même titre que le mobile, et avant de vraiment s’en préoccuper cela va prendre encore quelques mois voir quelques années pour beaucoup d’entreprises.
Parmi toutes les innovations présentées, lesquelles ont le plus retenu votre attention ?
D’abord le gagnant du challenge start-up, Dokker, qui nous a présenté un système de gestion de candidature hyper simple et très ergonomique pour un public de PME avec un modèle de pricing simple et transparent. Bref l’avenir du logiciel RH, agile, simple d’utilisation et transparent dans le pricing.
Mais l’innovation qui m’intéresse particulièrement est l’entretien vidéo différé dont l’utilisation nous a été présentée par Michel Guye-Bergeret du CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) avec des chiffres impressionnants.
Pour rappel, l’entretien vidéo différé est une vidéo au cours de laquelle les candidats répondent à des questions posées par l’entreprise devant une caméra et au moment qu’ils choisissent.
L’entretien vidéo différé permet d’avoir des candidats que l’on n’aurait pas sélectionnés normalement et d’impliquer les opérationnels dans le processus de recrutement en plus d’éviter les erreurs de casting. (Coût pour l’entreprise et temps alloué ont vraiment baissé, Michel nous parlait d’un coût par entretien de 40 Euros au lieu de 800 Euros avant !!).
L'expérience candidat ne s'arrête pas au web. Quels sont les meilleurs ingrédients et pratiques "off-Line" dans ce domaine ?
Le web n’est qu’une partie de l’expérience candidat. Comme je le disais précédemment, l’expérience candidat est un concept global qui s’applique à tout le processus de recrutement.
Par exemple, Thomas Vilcot, directeur recrutement de Casino, nous citait un exemple qui peut rentrer dans l’expérience candidat : avoir une table ronde et non plus accueillir le candidat autour d’un bureau et lui offrir un verre d’eau quand il arrive.
Ce sont des choses simples qui participent aussi à l’expérience que le candidat vit avec l’entreprise.
Je pense aussi à Philips qui offrait des fleurs à ses candidats, pour ceux qui étaient au stade de l’offre mais au-delà des exemples, les bonnes pratiques globales sont rares :
- dès la rédaction de l’offre d’emploi, il faut penser candidat par exemple, et une offre précise et bien rédigée est déjà un message que l’on adresse au candidat,
- la façon dont le candidat va être traité par le recruteur est aussi un élément fondamental : certains cabinets rendent obligatoire de répondre à tous les candidats,
- l’accueil dans l’entreprise évidemment (retard, politesse…). Chez Casino, ces parties sont évaluées par le candidat grâce à un questionnaire.
Tout le processus doit être infusé par « l’expérience candidat » et le défi pour l’entreprise est probablement ici !
Y a-t-il des "best practice" spécifiques aux cabinets de recrutement ?
Je peux citer ce cas étonnant de 2 cabinets de recrutement en région (Rennes et Nice) qui s’engagent à répondre à tous les candidats lorsqu’ils reçoivent un CV et je dis bien TOUS les candidats ce qui est une gageure et ne peut s’appliquer dans tous les secteurs.
Je pense aussi à certains cabinets qui envoient systématiquement après toute « relation » avec le cabinet, un questionnaire de satisfaction aux candidats. Ou encore ce cabinet de conseil en recrutement de cadres et dirigeants situé au cœur de Paris, dont la dirigeante est intervenue pendant #rmsconf, qui propose une fois par semaine d’appeler les candidats qui veulent un feedback sur leur CV.
Malheureusement il existe encore trop peu de best practice cabinets, et cela reste encore un milieu « intuitu personae » où c’est à l’initiative du consultant et non pas de l’entreprise.
Quelles sont les attentes du candidat citoyen dans sa relation avec l'entreprise ?
Le candidat citoyen s’attend à être traité avec respect, point final.
Et du coup, il attend une réponse à minima, un feedback quand il rencontre une entreprise, une offre claire et facilement accessible, un suivi. Bref des attentes similaires à celle d’un client.
Existe-t-il un système de notation ou de label de la relation candidat ? Sinon comment l'évaluer ?
Cette année on a évalué l’expérience candidat d’entreprises pendant #rmsconf grâce à Potential Park mais il n’existe pas de label à proprement parler.
Il n’y aura un label que quand il y aura quelque chose à évaluer car aujourd’hui il n’y a pas d’expérience candidat globale mais des « bouts » et des tentatives pour répondre à cette problématique. Bref, le label va à la vitesse de l’adoption.
Comment évaluer la relation candidat ?
Des initiatives simples comme proposer automatiquement un questionnaire à tous les candidats qui ont eu un contact avec l’entreprise est déjà un bon début. Puis, dans un 2e temps, faire des entretiens qualitatifs sur une base de candidats bref, il faut demander aux candidats leurs avis (attention je ne dis pas que c’est facile).
Au-delà de l'expérience candidat, pensez-vous qu'avec les Talents communities on se dirige vers une vision plus durable des relations entre les individus et les entreprises en matière d'emploi ?
Les talent communities ou communautés de talents existent déjà depuis plusieurs années et même depuis longtemps si l’on considère qu’un recruteur qui gère sa « communauté » de candidats avec des emails et un suivi téléphonique le faisait déjà.
Des communautés de talents dans le sens où vous l’entendez, il en existe encore peu même si elles sont principalement concentrées sur des métiers techniques. De belles communautés de talents comme Github ou Stackoverflow sont de formidables moyens pour trouver des profils adaptés dans un contexte non commercial.
Je cite souvent cet exemple d’un groupe SAP qui avait été créé sur Viadeo par un recruteur français qui a laissé cette communauté se développer et de temps de temps proposait des jobs à celle-ci. Mais ces groupes qui fonctionnent de façon auto gérée et sans irruption intempestive des recruteurs, il en existe encore peu. Je crois que cela se développera mais pas plus que le reste et que se créer ses propres communautés à partir de son réseau et de son travail de fond (diffuser de l’information, des conseils…) restera un travail individuel pour le professionnel du recrutement.
Et c’est là toute la question.
C’est au recruteur de comprendre que le métier a changé et que son travail de fond pour entretenir une communauté est fondamental. Avant même d’en avoir besoin anticiper et nourrir sa communauté pour rajouter de la valeur sans être dans le court-termisme, posture encore adoptée par beaucoup de cabinets.
Pour en savoir plus :
Laurent Brouat est directeur associé de Link Humans et co-fondateur de #rmsconf et #TruParis. Il intervient régulièrement sur le site rmsnews.