Le Community Manager se retrouve aujourd’hui placé sur le devant de la scène digitale. A tel point qu’il endosse de plus en plus le rôle de porte-parole sur les réseaux sociaux lui conférant une dimension stratégique en entreprise. Malgré ces nouveaux enjeux, les contours de la profession ne sont pas encore spécifiquement définis. Quel profil faut-il pour éviter les dérapages ? Entretien avec Vanessa Colombier, responsable de la communication et Community Manager chez Autolib'.
Quel est votre parcours et qu'est-ce qui a motivé votre intérêt pour le community management ?
Formée aux métiers de la communication, j’ai notamment réalisé le Master « Intercutural Management of Communications » au Celsa. J’ai commencé mon parcours professionnel en agence de publicité, puis j’ai intégré la branche Corporate du Groupe Havas dans laquelle j’ai été en charge de toutes les agences RP du groupe, une cinquantaine au total. J’ai par la suite été cooptée en interne chez Havas, pour devenir Community Manager d’Autolib’. Finalement, il a été décidé que le poste se trouverait au sein d’Autolib’ même.
En quoi votre expérience de RP apporte-t-elle de la valeur ajoutée à votre fonction actuelle ?
Au départ, Autolib’ avait besoin d’un Community Manager pour s’occuper, entre autres, de la « gestion de crise » lors du lancement car de nombreuses voix s’élevaient contre le projet. Grâce à mon expérience en agence Conseil, j’avais l’habitude de travailler sur les éléments de langage pour les dirigeants, notamment en période de crise, et de choisir et d’adapter le discours public par rapport aux objectifs internes et stratégiques des entreprises. Mon autre valeur ajoutée, c’est d’avoir un profil agence en relations publiques et non d’entreprise. L’expérience en agence me permet d’être plus polyvalente et réactive, d’être capable de sentir les choses avant qu’elles n’arrivent, d’être proactive.
Quels sont les points marquants de la communication digitale d'Autolib' ?
Notre communication digitale dépend avant tout des problématiques abordées. Sur Facebook, nous sommes suivis par de nombreux abonnés. En tant que Community Manager, je communique donc sur Facebook tout ce qui peut les intéresser, à l’instar du déploiement du service dans de nouvelles villes. Ma problématique au quotidien est de savoir calibrer quelle problématique va être adaptée pour tel ou tel canal. Sur Twitter, le public est beaucoup plus large. Nous sommes suivis par des élus, des journalistes, les experts de la mobilité. Il faut donc délivrer une information en conséquence.
Comment intégrez-vous le community management dans cette stratégie ?
La problématique du Community Manager en entreprise aujourd’hui, c’est de savoir auprès de quel service il sera le plus efficace. Appartient-il au service marketing, à la communication, au service clients ? Chez Autolib’, il y a peu de communication Corporate. Elle se trouve plus au niveau marketing. Le Community Management est donc davantage mobilisé par ce service. Mais je fais partie de toutes les équipes. Car le Community Manager a besoin de toucher à tout pour répondre aux diverses problématiques qu’amènent les internautes ou parfois les experts, et d’être polyvalent sur tous les sujets liés de près ou de loin à l’entreprise.
La page Facebook d'Autolib' compte plus de 7 000 fans*, peut-on dire que le community manager y endosse le rôle de porte-parole de votre entreprise ? Qu'elle est sa marge de manœuvre ?
Chez nous le porte-parole reste le directeur de la communication. Sur les sujets mercantiles c’est notre directeur général qui endosse la fonction. Personnellement, je suis porte-parole sur Facebook où je ne suis pratiquement pas contrôlée, même si je suis aidée sur les axes de communication du Groupe. Je dois tout le temps m’auto-censurer entre la face visible et cachée de l’entreprise. Il y a des temps de communication à respecter. J’ai une ligne directrice et quand il y a un sujet « crisogène », nous échangeons entre équipes pour avoir la réponse la plus adaptée et aussi la plus homogène possible – car nous avons plusieurs canaux d’entrées.
Les profils sont plutôt jeunes, peuvent-ils raisonnablement avoir autant de responsabilités avec si peu d'expérience ? Quel est pour vous le profil idéal ?
Le Community Manager ne doit pas avoir le format cadre de l’entreprise, il doit être malléable et comprendre de suite comment le public lui parle. Il faut être capable de travailler avec différents types de public, savoir parler aux clients, récupérer les informations en provenance du terrain, connaitre ceux qui font le service et échanger avec ceux qui parlent tous les jours aux clients.
A l’inverse des jeunes profils qui savent parler le langage de Twitter, Facebook, etc. Les personnes avec plus d’expérience peuvent être perdues avec ce langage. Or il faut pouvoir intervenir très rapidement. En revanche, c’est important de pouvoir être épaulé par un supérieur, un modérateur, qui va savoir quelle information il est possible ou non de délivrer.
Pour conclure, que conseillerez-vous en termes de RH à une société qui souhaiterait donner une dimension stratégique au CM ?
Quelle place donne-t-on au Community Manager dans l’entreprise ? Participe-t-il à toutes les réunions stratégiques ? Pour moi c’est l’une des clés de la fonction. Je pense qu’il a tout intérêt à avoir accès au top management pour avoir cette vision à 360° et pouvoir être informé de ce qui se passe, des perspectives et de la stratégie du groupe tout en étant capable d’être aussi très opérationnel et proche des gens du terrain. Mais l’entreprise ne peut donner cette place stratégique au Community Manager seulement lorsqu’elle a atteint une certaine maturité vis-à-vis de cette nouvelle profession et qu’elle en a compris l’utilité.
* A la publication de l’interview
Pour plus d'informations sur ce sujet :
- Le community manager, un métier à la croisée des RP et du marketing digital.Lire la suite de l'article