Etienne Berger, responsable de l’offre SIRH et Digital pour le cabinet SIA Partners et intervenant sur les problématiques d’optimisation du processus de recrutement, nous indique quelques pistes pour réduire l’incertitude liée à l’humain dans le recrutement. Etienne Berger est responsable de l’offre SIRH & Digital pour le cabinet Sia Partners.
Fort d'une expérience de 15 ans dans les SIRH pour de grands comptes privés et publics, il a développé une double compétence technique et fonctionnelle dans le cadre missions d'assistance maîtrise d'ouvrage et d'œuvre, de cadrage de besoin, d’aide au choix de solutions ou de schéma directeur. Il intervient en interne comme en externe sur des problématiques lié à l’optimisation du processus de recrutement.
La dimension humaine est complexe. Emotions, libre arbitre, points de vue et parfois génie sont autant de spécificités qui font la richesse des RH. En matière de recrutement, avec des humains à chaque bout de la chaîne, cette complexité introduit des aléas que tout bon recruteur se doit de maitriser afin de dépasser l’idée que « Le recrutement n’est pas une science exacte ».
Etienne, beaucoup d’entreprises vivent le recrutement comme un risque, comment les nouvelles technologies peuvent-elles réduire les aléas liés à celui-ci ?
Le recrutement est en effet souvent perçu comme un risque mais ce risque est multiple. Il est identifiable à la fois en termes de temps potentiel pour trouver le bon profil, de risque de s’être trompé sur le profil recruté et de risque de perdre un bon profil une fois qu’il est recruté. La volonté de l’entreprise est donc de vouloir trouver très rapidement le bon profil qui pourra être conservé le plus longtemps. Les technologies liées au recrutement amènent une réponse sur ces problématiques même si elle n’est pas parfaite.
Tout d’abord, ces technologies représentent un plus indéniable en termes d’économies de temps. Elles permettent de publier des offres d’emploi très détaillées et enrichies par du contenu multimédia de façon massive comme très ciblée en un clic (jobboards généralistes ou spécialisés, agrégateurs, sites carrières spécialisés, réseaux sociaux, réseaux professionnels etc.). Grâce à elles, l’entreprise peut toucher une audience très large mais aussi très précise ce qu’il était plus compliqué de faire avant leur arrivée.
Ensuite, elles permettent de fluidifier au mieux la communication avec les candidats, à l’intérieur de l’équipe de recrutement et à l’extérieur avec les métiers et même les cabinets de recrutement. Nombreuses sont les solutions à proposer une centralisation des conversations internes comme externes sur une offre, un profil intéressant ou un candidat externe comme interne. Cette centralisation offre à tous les acteurs une visibilité précieuse sur l’état d’avancement du processus et associée à des métriques de plus en plus précis (origine des candidatures, profils des candidats, profils des embauchés, etc.), cela permet d’optimiser au mieux les efforts à réaliser selon le poste à pourvoir.
En second lieu, les nouvelles technologies permettent d’évaluer plus précisément la bonne adéquation entre un poste et un candidat. Ces technologies se basent sur l’analyse massive de parcours de carrière pour déterminer les dénominateurs communs sur lesquels elles s’appuieront pour identifier les meilleurs candidats en externe comme en interne. Cette analyse reposant sur des critères plus objectifs que l’appréciation personnelle du recruteur, même si elle repose sur une expérience avérée, permet de donner sa chance à des candidatures qui sortent des normes habituelles en termes de diplôme, d’âge ou de sexe par exemple.
Associées à de l’analyse sémantique, elles permettent de qualifier très rapidement la pertinence d’une candidature via un CV ou un profil de réseau professionnel sur des volumes largement supérieurs à ce qu’un recruteur peut traiter seul.
Les nouvelles technologies de recrutement représentent une source de gain de temps précieuse sur un marché de l’emploi de plus en plus compétitif et international. En plus, elles permettent de faire un premier tri entre les bonnes et les moins bonnes candidatures, ce qui permet au recruteur de mieux concentrer ses efforts pour identifier les profils les plus à même de correspondre aux besoins de l’entreprise mais aussi qui seront le mieux s’inscrire dans une relation de moyen/long terme.
Dans cette activité centrée sur l'humain, il ne serait pas raisonnable de s'en remettre uniquement à ces technologies. Quelle part l'humain peut-il jouer pour recruter de façon pérenne les meilleurs talents ? Faut-il pour cela revoir l'organisation des processus ?
Dans le cadre du processus de recrutement, les technologies évoquées précédemment n’ont pas vocation à remplacer l’expertise humaine des spécialistes en recrutement et ce pour plusieurs raisons.
La première est que le principal support d’analyse des technologies reste le CV du candidat. Hors, il est reconnu que la fiabilité de ce support est perfectible. Beaucoup de candidat embellissent voire mentent sur leurs expériences professionnelles ou leurs diplômes. Un logiciel informatique n’est pas en mesure de faire la différence entre un CV « honnête » et un CV arrangé là où un recruteur avec son expertise et quelques outils peut lui, faire cette différence.
La seconde vient du fait que les technologies peuvent éventuellement déterminer si un profil convient ou non à un poste donné mais elles peuvent plus difficilement évaluer le potentiel de candidat. Une personne pourra convenir pour le poste avec un peu plus d’expérience, il sera donc intéressant de le mettre dans le vivier dans l’attente. De plus si elle ne correspond pas pour un poste, elle peut être pour autant très intéressante sur d’autres postes dans le cadre d’une réflexion plus globale. Seules la bonne connaissance du recruteur des besoins de la société ainsi que son expérience peuvent permettre cette mise en perspective globale du candidat ce que peuvent difficilement faire les technologies plus centrées sur de l’évaluation point à point de compétences.
La dernière tient à l’impossibilité pour les technologies d’évaluer/anticiper la bonne adaptation du candidat au contexte humain et culturel de l’entreprise recruteuse : Saura-t-il trouver sa place parmi ses collègues ? Correspondra-t-il aux valeurs défendues par l’entreprise ? Ou au contraire sera-t-il un élément perturbateur risquant de casser la dynamique en place ? Il est possible de répondre partiellement à ces questions par des tests informatisés (psychométriques ou de personnalité) qui sont une base d’appui intéressante mais qui ne peuvent se substituer au jugement humain dans ce domaine. La meilleure approche reste toujours les échanges verbaux avec le candidat pour convenir de sa bonne adéquation avec la société et ses employés.
Les technologies doivent être vues comme un facilitateur qui permet au recruteur de s’épargner des tâches répétitives et à faible valeur ajoutée et se dégager ainsi du temps pour se concentrer notamment sur la recherche de profils intéressants pour l’entreprise et leur correcte évaluation. Nous sommes encore très loin du logiciel à même de gérer par lui-même l’intégralité du processus de recrutement et des risques associés de formatage des profils retenus. Au contraire, les technologies actuelles permettent au recruteur d’aller au-delà du simple CV d’un candidat et d’identifier des profils potentiels qui ne l’auraient pas été avec les anciens moyens à disposition.
Les processus de recrutement doivent tenir compte de cela et favoriser avant tout les échanges entre les spécialistes du recrutement et les responsables métier afin de comprendre au mieux les besoins business et les attentes sur les profils recherchés.
Certains prédisent la fin des cabinets de conseil en recrutement. Partagez-vous cet avis ou pensez-vous que ces derniers ont plus que jamais une carte à jouer dans la fiabilisation du recrutement ?
Les cabinets de recrutement n’ont pas vocation à disparaître à terme, du moins ceux qui apportent une vraie valeur ajoutée aux sociétés qui les mandatent. En effet, ils doivent amener autre chose que des paniers de candidats potentiels issus de la recherche par mots clés sur les réseaux sociaux ou professionnels. Les cabinets doivent porter une réelle expertise dans le domaine d’activité de leurs clients mais aussi dans les filières de métiers recherchés et ce au niveau national comme international puisque pour certains profils le périmètre national n’est plus suffisant.
A titre d’exemple, lorsqu’une société aéronautique recherche un expert CATIA c’est avant tout un expert qui est à même de comprendre ses problématiques d’avionneur et pas seulement un expert du logiciel. Du coup, une connaissance de ces problématiques représente un plus indéniable pour un cabinet de recrutement qui saura rapidement faire le tri entre les « bons » et les « mauvais » profils ce qui permettra de solliciter la société et ses équipes de recrutement de manière optimisée.
L’expertise portée par le cabinet de recrutement doit être au service de l’identification et la pré-qualification des meilleurs profils qui représenteront un gain de temps important dans le cadre du processus de recrutement même et bien entendu dans le cadre du pourvoi du poste.
Ces deux gains de temps sont à même de compenser, aux yeux des commanditaires, en partie le coût de la prestation du cabinet de recrutement.
A contrario, si la société dépense beaucoup de temps dans l’analyse des profils retenus par le cabinet car ils sont peu ou pas pertinents et/ou dans des processus de recrutement peu fructueux (avec une forte sollicitation des métiers dans le cadre des entretiens), la mission du cabinet de recrutement sera alors uniquement perçue comme un surcoût dont il sera possible/urgent de se passer.
Selon vous, autour du processus de recrutement, quels autres dispositifs peuvent contribuer à faire de chaque recrutement un succès ?
Un des dispositifs essentiels qui doit être associé au processus de recrutement est celui de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). Ce dispositif permet de déterminer, en fonction des contraintes de l’environnement de l’entreprise et de ses objectifs stratégiques, ses futurs besoins en termes de métiers, d’emplois et de compétences.
Une bonne maîtrise de ce dispositif par les équipes de recrutement est essentielle afin que ces dernières aient une réflexion plus globale allant au-delà de la publication d’une offre d’emploi et de son pourvoi. Si elles maîtrisent les futurs besoins RH de l’entreprise ainsi que ses enjeux stratégiques, elles seront à même d’anticiper et d’orienter plus efficacement leurs recherches mais surtout elles pourront en tenir compte dans leurs analyses de profils et leurs entretiens de recrutement.
Sur ce dernier point, les équipes pourront anticiper sur le développement potentiel d’un candidat qui pourrait à terme satisfaire un besoin particulier de l’entreprise alors qu’ils pourraient être recalés dans le cas contraire (sans connaissance de la GPEC).